POUR / CONTRE : un âge minimum pour la garde alternée

La résidence alternée pour les enfants est prononcée dans un divorce sur sept. Un récent rapport suggère d'exclure de cette formule les moins de six ans, pour les prémunir de dégâts psychologiques. Débat pour/contre sur tf1.fr avec deux spécialistes de la question.

12 décembre 2005  

Dans son rapport annuel, remis en novembre à Jacques Chirac, la défenseure des enfants, Claire Brisset suggère de débattre sur la garde alternée des enfants de moins de six ans, afin de prévenir des risques de bouleversement de repères. Un dispositif pourtant permis par la loi du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale. Aujourd'hui, 15% des divorces se concluent par une garde alternée.

Cela concernait 60 000 enfants en 2003 et 105 000 en 2004.

Faut-il interdire la résidence alternée pour les moins de six ans ?

NON
Répond Alain Cazenave, président de SOS Papa

 SOS ¨Papa, créé en 1990, vient d'intégrer l'Union nationale des associations familiales (UNAF). L'association compte 13000 membres, répartis dans 23 délégations régionales.

"C'est le divorce qui est traumatisant"

La loi de 2002 indique que la première solution doit être la résidence alternée. Le droit est donc bien fait, mais la résistance est encore totale, puisque seuls 15% des divorces se concluent par ce type de garde. Pourtant, alors que dans une solution classique, il y a un vrai parent et un parent d'occasion pendant les droits de visite, dans le cadre d'une garde alternée, les parents ont la même autorité. Ce rapport de Claire Brisset est donc surprenant. Il ne faut pas mélanger les genres. C'est le divorce qui est traumatisant et non la résidence alternée qui, elle, permet d'atténuer ce traumatisme. Elle permet de dire que les parents divorcent, mais pas les enfants. L'enfant est chez lui dans les deux cas.

Je vais vous raconter une anecdote avec un père qui voyait son fils un week-end sur deux. Une fois, il lui a demandé son carnet scolaire. Il était catastrophique notamment pour des questions de discipline. Il lui a fait la réflexion. Réponse du fils : "T'es plus mon vrai père, t'as plus ton mot à dire". Dans sa tête, l'enfant a clairement établi une différence entre ses deux parents. La garde alternée, si elle est faite de manière intelligente, permet d'éviter cela. Les gens qui en condamnent le principe sont des médecins. Donc des gens qui ne voient que des malades. C'est une erreur de généraliser la pathologie de quelques patients à l'ensemble. Je suis d'accord, en revanche, pour dire que ce type de garde alternée n'est pas envisageable pendant les premiers mois du nourrisson. Il faut une progressivité. Mais je pense que c'est possible dès l'âge de 2 ans 1/2, trois ans et non pas à six ans comme ils le conseillent. Les spécialistes savent très bien qu'à six ans, la personnalité est faite, son attachement est fait. Lors d'une table ronde à l'assemblée nationale en novembre, j'ai soutenu la proposition qui a été faite de réaliser un audit généralisé sur l'ensemble des cas de résidence alternée car nous ne disposons d'aucune statistique à ce jour. Faisons ce travail là, avant de condamner un système qui marche très bien dans de nombreuses familles.

Parfois OUI

Déclare Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l'enfant au CHU de Saint-Etienne.

" Le père n'est pas une mère comme les autres "

Je ne suis pas contre la résidence alternée mais je trouve qu'elle peut faire des dégâts pour certains enfants de moins de six ans. On ne peut pas dire à l'avance comment un jeune enfant supportera la séparation prolongée. Actuellement, les troubles suivants ont été signalés chez 400 enfants de moins de six ans qui vivent en résidence alternée. D'abord un sentiment d'insécurité : quand ils reviennent chez leur mère, ils ne supportent plus qu'elle s'éloigne. On a des bébés qui présentent des sentiments dépressifs, à savoir un regard vide pendant plusieurs heures, des troubles du sommeil, qui sont agressifs ou font de l'eczéma. Et puis maintenant que l'on a un petit peu de recul, on est confronté à des enfants de 7- 8 ans qui refusent tout rythme imposé, comme l'heure de passer à table ou d'aller à l'école. Ils ont besoin de garder une maîtrise sur leur vie. Le problème est que l'on n'arrive pas à traiter ces enfants. Leurs troubles ne disparaissent que si on les remet au rythme précédent, à savoir qu'ils vivent chez leur mère et voient leur père de manière régulière mais moins prolongée.

Pourquoi six ans ? C'est à partir de cet âge qu'un enfant acquiert une bonne capacité pour se représenter ce qui se passe. Il peut comprendre que ce n'est pas lui qui est en cause mais les adultes. La loi de 2002 est une loi faite pour la famille. Or, il est primordial de protéger le développement affectif de l'enfant.

Il faudrait que l'on mette en place une recherche sur les effets de la résidence alternée. Je demande au ministère de la Santé et de la Justice de le faire pour nous éclairer.

Autre argument des défenseurs de la garde alternée : ce sont aussi les angoisses des mères qui empêchent l’enfant de vivre sereinement la garde alternée.

Maurice Berger, expert auprès des tribunaux, s’est déjà penché sur plus de 150 cas en France.

« Un enfant petit peut se détacher de sa mère progressivement parce qu’il se sent en sécurité avec ses deux parents. Il est important de le préparer de façon que l’enfant n’ait pas l’impression de perdre sa mère. Pour cela, les pères disent à l’enfant "Rassure-toi, maman va revenir, tu vas revoir maman’’. De ce fait, l’enfant tient compte des deux mondes, celui de sa mère, et celui de son père, sans rompre les liens affectifs avec chacun de ses parents.

Le résultat, ces enfants n’ont pas l’angoisse de la séparation, ils se détachent facilement de leur mère. Ainsi les pères, en intervenant assez tôt, permettent à ces enfants de ne plus rester fusionnels avec leur mère. Et ces mères elles-mêmes acceptent la résidence alternée parce que leur enfant vit bien. Et donc on a des enfants équilibrés entre leur mère et leur père, et l’on sait que c’est un facteur essentiel pour leur épanouissement, qu’ils vont exploiter à l’adolescence. Au final, on aura réussi la coparentalité. »


Berger, à la suite des psychiatres américains, invite à replacer l’intérêt réel de l’enfant au cœur des discussions. Même si les cas conflictuels sont minoritaires, c’est précisément lorsqu’il y a bataille pour la garde que les magistrats doivent se montrer le plus prudents.


Conseils aux papas


Le Pr Berger finalement, exhorte avant tout les pères à avoir confiance en eux, en leur amour pour leurs enfants. Si c’est bien l’amour qui les porte, et non un esprit de revanche contre la mère de leur enfant, alors le temps jouera en leur faveur, explique Maurice Berger :

« Le plus important pour un enfant, c’est que son père soit fiable, qu’il soit là quand il le dit et qu’il tienne ses promesses. L’enfant pourra dès lors se construire une image du père sur lequel il peut s’appuyer, et constater qu’il laisse une trace permanente dans l'esprit de son père. Quand le père laisse une grande place à son enfant dans ses pensées, alors l’enfant le sent, et se construit de façon équilibrée, confiant en l’amour de son père, et tout va bien. »

 

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