DEVENIR DES ENFANTS APRES SEPARATION DES PARENTS

Il y a un double enthousiasme manifesté par les Etats généraux de la famille et par La Ligue des familles pour l'intérêt de la garde alternée.

Il y a un paradoxe entre le droit reconnu aux deux parents d'exercer la fonction parentale après séparation et le fait que ce soit ici l'Etat qui l'exercerait à leur place, quand ça touche à une décision fondamentale. Les parents sont grands assez pour réfléchir à l'intérêt de leurs enfants dans ces circonstances ; ils peuvent se faire aider par des professionnels, par ex. des médiateurs. Et s'ils n'y arrivent pas, des recours judiciaires sont prévus.

Quant à l'intérêt même de la garde alternée, à mes yeux, c'est une mesure parmi d'autres, la meilleure dans certains cas, mais pas « la règle » et l'idéal comme on suggère.

Pour penser à l'appliquer, quatre conditions au moins doivent être réunies :

·          La résidence alternée permet d’installer entre les parents une paix raisonnable ; afin de coopérer effectivement dans l'exercice d'une co-parentalité dont les implications concrètes sont nombreuses ; elle évite que l'enfant soit pris comme témoin ou allié des conflits parentaux à haute fréquence, surtout lors des arrivées et départs….

·         enfin, il faut que des tiers sereins aient vérifié si la formule enchantait ou intéressait vraiment l'enfant, écouté dans la mesure du possible en dehors de toute pression significative faite sur lui…..

« Je ne suis pas persuadé de l'intérêt supérieur de la formule par rapport à une autre, où il y aurait bien un lieu de vie quotidien principal pour l'enfant, mais où l'on aurait aidé les parent à retrouver la paix dans l'exercice de la fonction parentale : alors, les visites à l'autre parent seraient conçues sur un mode très souple, et sa participation à l'éducation serait très effective…. Dans un tel contexte, de grandes réorientations pourraient exister, décidées à l'amiable, de loin en loin : par exemple, tel ado garçon pourrait demander à aller vivre chez son père…il faudrait pouvoir lui dire oui.

Si vous avez déjà eu des liens positifs avec l’enfant, ce qui est le cas de la majorité d’entre vous, d’entre nous, votre enfant demande certainement que ça continue après. Et qu’il puisse se ressourcer chez chacun de vous, papa et maman, sans que papa ne critique trop maman et sans que maman critique trop papa. Apprenez à vous taire sur les revendications que vous avez, qui sont peut-être légitimes, quant à votre ex-conjointe, de ce qu’il était comme ex-conjoint. N’encombrez pas vos enfants avec ça. Ne faites pas payer vos querelles, vos amertumes et vos insatisfactions à votre enfant. Mais restez confiants dans ce que vous pouvez lui apporter, même si vous le voyez moins souvent. La qualité d’un témoignage, la qualité des graines d’idées de valeur qu’on sème, ça ne demande pas l’égalité de temps forcément. Ca demande d’avoir confiance en soi et ça demande aussi que votre ex-conjoint accepte de vous laisser vivre, spirituellement, et donc accepte que votre enfant continue à vous aimer. Et ça il doit le faire. Au-delà de ça, ayez confiance dans les solutions que votre bon sens vous dicte, et écoutez votre enfant. Certains de vos enfants vont demander à continuer à vous voir à peu près autant de temps chacun. Je pense que c’est une excellente raison pour aller dans ce sens-là, si c’est possible. Et puis d’autres enfants vont demander à être plus avec leur maman, ou plus avec leur papa. Et même si ça vous fait un peu mal au cœur parce que vous n’êtes pas le parent avec qui il préfère passer son quotidien, essayez d’avoir suffisamment de respect pour lui pour quand même tenir compte de l’intuition qu’il a sur la manière de se rééquilibrer. »

Tout est dans le sourire

« Les tous petits enfants, avant 3 ans, peuvent supporter les séparations et le passage d’un endroit de vie à l’autre. On voit bien que de nombreux enfants supportent très bien d’aller à la crèche, d’aller chez une gardienne, d’aller souvent chez leurs grands-parents. Ce qui les insécurise, c’est quand ils voient que le passage se fait sous tension qu’il va ressentir comme une grosse menace pour lui.

Les petits enfants pourraient avoir, avec le parent avec qui ils ne vivent pas principalement, des contacts répétés et dont la durée s’allonge progressivement. Mais il faut être lucide : si c’est un tout petit enfant qui est en jeu, il y a de fortes probabilités pour que la séparation de ses parents soit toute récente. Or ces cas de séparation récente, ce sont précisément ceux où l’on est le plus tendu. C’est donc à cause de cette tension, et non pas en vertu d’une incapacité en soi pour l’enfant de supporter des allers-retours, que nous disons que, pour le petit enfant, il faut un endroit principal de vie. Il faut que ces allers-retours, en tous cas en début de vie, soient de très courte durée. Ils iront en augmentant petit à petit, si le bonheur veut que la tension diminue. »

Le Professeur Jean-Yves Hayez dirige le service de psychiatrie infanto-juvénile aux Cliniques universitaires Saint Luc à Bruxelles. Reconnu comme l’un des grands patrons de la pédopsychiatrie en Belgique, il est professeur ordinaire à l’Université Catholique de Louvain. Il vient de publier un ouvrage « La sexualité des enfants » (éditions Odile Jacob).

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