LE MENSONGE

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HUMOUR

 

 

Le Nouvel Obs s'est livré à une enquête sur le mensonge

 

On y apprend des choses fort intéressantes sur le jugement du Français au regard de ce vilain défaut.

 

Nous sommes 79 % à réprouver le fait qu'un commerçant mente sur la qualité de ses produits ou qu'un PDG mente à ses actionnaires mais seulement 33 % s'il s'agit d'un contribuable qui dissimule une partie de ses revenus au fisc, étrange indulgence qui semble prouver que le contri­buable-citoyen est plus porté à pardonner ses propres péchés qu'à absoudre ceux des autres.

 

Un chiffre dans ce sondage est tout de même encourageant :

84 % des personnes interrogées estiment que c'est très mal de cacher à son conjoint que l'on a une liaison. Il faut admirer l'extrême moralité des Français qui sont donc, dans ce domaine, d'une franchise totale. Il est rassurant de vivre dans un pays où le moindre coup de canif dans un contrat est immédia­tement avoué au conjoint.

Ce sondage va rassurer tous les maris jaloux et toutes les épouses soupçonneuses... Chassez vos idées noires... Si elle ou il avait fait un écart, il ou elle vous l'aurait dit.

 

Plus significative encore est l'opinion des Français sur le mensonge politique.

72 % pensent qu'il est très grave de mentir à ses électeurs pour se faire élire, preuve qu'ils ne s'y sont pas encore habitués en deux siècles de pratique.

 

Cela démontre une grande fraîcheur d'âme et une certaine naïveté. Depuis que Machiavel leur en a donné le conseil, les princes qui gouvernent ont toujours usé du mensonge. Tous ceux qui ont signé un traité avec l'arrière-pensée de ne pas le respecter ont commis ce péché que Louis XI avait érigé en principe et que Richelieu, Mazarin et Talleyrand ont cultivé avec talent.

 

Roosevelt a menti aux Améri­cains en 1940 pour se faire réélire en leur disant que pas un boy ne quitterait sa famille pour se battre, alors qu'il savait fort bien que l'entrée des États-Unis dans le conflit était inévitable.

Hitler a élevé le mensonge en religion d'État.

Churchill a menti aux Anglais quand il a appris que les Allemands s'apprêtaient à raser Coventry : s'il avait fait évacuer la ville, il aurait révélé aux Alle­mands que les services secrets britanniques déchiffraient leur code...

De Gaulle a menti sur l'Algérie, Mauroy en a fait de même par autopersuasion en affirmant en 1983 que tous les clignotants étaient au vert.

Mitterrand l'a cultivé en expert tout au long de sa carrière politique et Chirac a menti par omission quand il a promis en 1995 de réduire la fracture sociale en sachant qu'il n'en avait pas les moyens.

 

Le mensonge est inhérent au discours politique, mais comme on répugne à l'appeler mensonge, on ment encore en lui trouvant un synonyme... la langue de bois.

 

Tout l'art consiste finalement à doser mensonge et vérité dans un cocktail qu'on fait avaler au consommateur, c'est-à-dire à nous.

C'est un art subtil ; comme le prétend un vieil axiome, un homme politique qui mentirait tout le temps ne tiendrait pas six mois... mais s'il ne disait que la vérité, il ne tiendrait pas huit jours...

 

Jean AMADOU

 

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