Les parents
divorcés choisissent ensemble la résidence de l’enfant.
En cas de
désaccord, le juge décide.
« Mon ex-mari part vivre aux Antilles et souhaite
prendre nos enfants avec lui. Je trouve ce changement de vie trop radical.
Puis-je m'y opposer ? » Oui.
Lorsque que le couple conjugal éclate, le couple
parental doit survivre malgré tout dans l'intérêt de l'enfant. C'est
pourquoi la loi encourage les parents à continuer d'exercer en commun les
droits, devoirs et responsabilités qui leur incombent dans le cadre de l'autorité
parentale. Mais, en pratique, où va résider l'enfant et lequel des deux
parents pourra s'en occuper au quotidien ?
Lorsque
les parents sont d'accord, le
juge aux affaires familiales (JAF) qui s'occupe de leur divorce entérine le
plus souvent leur choix (art. 290 du code civil). Il vérifie si l'intérêt
de l'enfant est respecté, lorsqu’il ne correspond pas forcément au
souhait des parents.
Si les
parents sont en conflit, le juge
décide de la résidence selon un faisceau de critères proposés par la loi
(art. 373-2-1 du code civil). Il examine l'organisation déjà adoptée par
les parents, le souhait exprimé par l'enfant et cherche à savoir lequel des
deux parents est le mieux à même « d'assumer ses devoirs vis-à-vis de l'enfant
et de l'accueillir dans un environnement matériel et moral correct, qui
préserve ses habitudes et son train de vie.
Exemple 1
: dans l'affaire suivante,
malgré les aptitudes éducatives égales de deux parents séparés, le juge a
décidé que les deux enfants, âgés de 12 et 11 ans, iraient résider de façon
habituelle chez leur mère qui, conservant le domicile familial, a été jugée
mieux à même de maintenir leur cadre de vie, plutôt que chez leur père
parti vivre en Guadeloupe (CA de Paris, 24e ch. civ. A du 26.3.96, n°
94/015862).
Exemple
2 : le juge a refusé que
l'on fixe la résidence habituelle de deux enfants (de 10 ans et 6 ans) chez
leur père, car, bien que ce dernier leur apporte des soins attentifs, il
vit dans une grange sans confort (CA de Rennes, 6e ch. civ. A du 7.3.95, n
° 689/93).
Exemple
3 : Le fait pour la mère
d'être témoin de Jéhovah et de faire participer ses trois filles de 13,12
et 7 ans à cette communauté, n'empêche pas que l'on ait fixé chez elle la
résidence habituelle des enfants, puisque l'on n'a constaté aucune
répercussion néfaste sur eux (CA de Douai, 7e ch. civ. du 2.9.99, n°
98/04595).
Exemple
4 : un juge a refusé, après
enquête sociale, de fixer la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère
en raison de son tabagisme (TGI de Marseille, 4e ci. sect. 2 du 9.3.00).
Un critère particulièrement important est l'aptitude
du parent, qui accueille à titre habituel l'enfant, à respecter les droits
de l'autre parent. Dénigrer l'autre conjoint devant son enfant est de
nature à modifier son lieu de domicile habituel, comme l'a justifié la cour
d'appel de Paris dans une affaire où le conflit opposant les parents
mettait leur enfant en péril psychologique :
« Les parents doivent permettre aux enfants d'entretenir
avec chacun d'eux des relations habituelles et harmonieuses qu'il est du
devoir des parents de privilégier » (CA de Paris, 24e ch. A du 30.4.02, n °
2001100164).
LE DROIT
La vie des enfants de parents divorcés est régie
par les articles 373-2 et suivants du code civil. Malgré l'éclatement du
couple, la loi tente de préserver et d'organiser les relations entre les
parents pour ce qui concerne toutes les conditions de vie de l'enfant (lieu
de résidence, relations avec les grands-parents, etc.).
LA JURISPRUDENCE
Les juges ont pour souci majeur de. statuer dans
l'intérêt « suprême » de l'enfant, en le protégeant le plus possible du
conflit conjugal, sans forcément tenir compte des sentiments des parents.
Ils décident, au cas par cas, de son nouveau mode de vie, de son lieu
d'habitation permanent, de la fréquence de ses séjours chez l'autre parent,
du droit de visite à accorder à un membre de la famille, etc.

« Mon
enfant, du fait de son handicap, me semble peu à même d'exprimer son
opinion. Le juge peut-il décider quand même de lui demander son
avis? » Oui.
« Dans toute procédure le concernant, le
mineur capable de discernement peut être entendu par le juge » (art. 388-1,
du code civil). Le juge a toute liberté pour apprécier ce « discernement »
et envisager d'entendre ou non l'enfant, quel que soit son âge ou ses
difficultés.
Exemple : un juge a décidé que Richard, un mineur de 17
ans atteint d'hydrocéphalie et qui refusait fermement de voir son père,
était capable de discernement Son avis a joué dans la décision de supprimer
le droit d'hébergement du père (CA de Riom 2e ch. civ. du 11.4.00, n°
99/02776).
Certes, si le juge reste libre d'entendre ou non
l'enfant, la loi lui demande tout de même de prendre « en considération les
sentiments exprimés par l'enfant mineur » (art. 373-2-11 du code civil).
Par conséquent, même si on ne peut pas lui forcer la main, il ne devrait
pas refuser une demande d'audition à un enfant qui lui en fait la demande,
directement ou par l'intermédiaire de ses parents. S'il rejette cette
demande, il doit alors s'en expliquer.
Exemple : un juge a pu refuser la demande d'audition
émanant d'un père pour son enfant âgé de 6 ans et la nomination d'un avocat
pour l'assister durant cette audition. Le juge a répondu au père, dans une
décision motivée, qu'il ne voyait pas la nécessité d'une telle audition en
présence d'un avocat, surtout pour un enfant de 6 ans incapable de
discernement (CA de Toulouse 1re ch. civ du 28.6.94, n° 3306/93).
Dans les faits, le juge sera logiquement plus
attentif au désir exprimé par un adolescent sur son devenir, que par un
très jeune enfant. S'il accepte l'audition, le juge est libre d'en
organiser les conditions.
Exemple : afin de déterminer le lieu de résidence de deux
enfants âgés de 13 et 17 ans, c'est par l'intermédiaire d'un enquêteur
social qu'un juge a recueilli leurs sentiments (CA de Lyon du 17.5.94, n°
93/ 06057).
Enfin, si le juge peut tenir compte des
sentiments exprimés par l'enfant, il n'est pas tenu de se conformer à son
avis.
Exemple : une cour d'appel l'a clairement énoncé «
l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement ne peut être laissé à la
discrétion des enfants qui ne sauraient imposer leurs vues ». Dans cette
affaire, l'enquêteur social avait découvert que la jeune fille de 13 ans refusait
de se rendre chez son père, non qu'elle ait quelque grief contre lui, mais
par crainte de subir les foudres de sa grand-mère maternelle qui détestait
son ex gendre. La mère, sous influence, avait fini par demander la
suspension du droit de visite et d'hébergement du père. Le juge ne tint pas
compte du refus de la jeune fille et décida de maintenir le droit de visite
et d'hébergement du père, et par là même leurs relations. Une décision qui
s'est imposée à la jeune fille et à la grand-mère (CA de Besançon, 1"
ch. civ. du 8.2.01, n° 00/01479).

« Je trouve que le système de résidence
alternée décidé pour ma fille n'est pas bon. Ce mode d'organisation est-il
définitif et immuable? » Non.
Résidence en alternance chez le père et la mère, résidence
habituelle chez l'un des, parents avec « droit de visite- et d'hébergement
» pour l'autre selon un calendrier fixé, aucun système n'est préférable à
l'autre. Parents et juge s'efforcent de faire plutôt du sur mesure en
fonction de l'intérêt « suprême » de l'enfant, mais aménageable en fonction
de l'évolution de la situation.
La
résidence alternée, officialisée
depuis la loi du 21 février 2002 (art. 373-2-9 du code civil), est plus rarement
adoptée pour un enfant en bas âge.
Exemple : La mère d'une petite Léa de 2 ans a réussi à
obtenir la suppression de la résidence alternée organisée par le juge, pour
rétablir un simple droit de visite et d'hébergement du père, car sa fille
présentait une angoisse de séparation très vive lorsqu'elles se quittaient
(CA de Dijon, ch. civ. A du 26.11.02, n 02/01588).
En revanche, ce système est très souple puisqu'il
peut être organisé à la carte. Ainsi, on peut concevoir, par exemple, que
le père accueille l'enfant en début de semaine et la mère en fin de
semaine, en l'occurrence, pour lui permettre de rester en contact avec ses
frère et sœurs (CA de Lyon, 2e ch. civ. du 4.6.02, n° 2002/ 01950). La
résidence peut aussi être alternée une semaine chez l'un, une semaine chez
l'autre, en partageant les vacances scolaires en deux (CA de Paris, 24e ch.
civ. C du 11.7.02, n° 2000/06525).
La proximité des domiciles peut d'ailleurs
encourager cette organisation.
Il est possible aussi de procéder à un panachage
des deux systèmes: les enfants habitent de façon habituelle chez leur mère,
mais le père les héberge une semaine sur deux, « ce type d'hébergement
étant la condition d'une coparentalité réelle et n'étant pas perturbant
pour l'enfant » (CA de Grenoble, ch. des urgences du 24.5.00, n °
99/04188).
Le juge
peut aussi organiser une résidence alternée à l'essai.
Exemple : Robin, 9 ans, habite chez sa mère, mais son père
demande au juge une résidence alternée une semaine sur deux, avec partage
des vacances scolaires, en faisant valoir que son fils semble bien gérer le
passage d'un parent à l'autre et qu'il bénéficiera d'apports éducatifs
équilibrés. Sa mère s'y oppose en invoquant les problèmes dépressifs de son
ex-conjoint, susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité de
Robin. Les juges décident finalement une résidence alternée à l'essai, à
titre provisoire. Ils veulent vérifier si les relations entre les parents
pourront évoluer et sortir du conflit dans lequel l'enfant est pris en
otage (CA de Paris, 24e ch. A du 10.4.02, n°2001/02868).

« Depuis le divorce de mon fils, je
n'ai plus de relations avec mes petits-enfants. Puis je demander quand même
à les voir? » Oui.
Les père et mère ne peuvent, sauf motifs graves,
faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses
grands-parents » (art. 3714 du code civil). Rencontrer ses petits-enfants
(ou arrière petits-enfants) est donc un droit. Mais c'est le juge aux
affaires familiales, sur demande des grands-parents,
qui décide d'instaurer et d'organiser ce droit
d'accueil ou de le refuser. Il peut ordonner une enquête sociale ou
médico-psychologique, et même entendre l'enfant afin de décider en toute
connaissance de cause. Les parents récalcitrants invoquent parfois toutes
sortes de raisons pour refuser ce contact: l'enfant refuse de voir ses
grands-parents, il est trop émotif, sa santé est fragile... Les motifs
invoqués ne sont généralement pas suffisamment « graves » pour refuser un
droit de visite. En revanche, un grand-père suspecté de se livrer à des
attouchements ou une grand-mère alcoolique n'ont guère de chance de voir
leur demande aboutir. Ainsi, une grand-mère qui a, « par son intrusion
intempestive, en état d'imprégnation alcoolique, dans la classe de sa
petite-fille, généré une grande peur chez cette dernière », s'est vu
refuser sa demande d'accueil ! (CA de Dijon, ch. civ. A du 6.11.03, n °
02/00912). À noter qu'un juge peut aussi accorder un droit d'accueil à des
tiers qui ont des liens affectifs avec l'enfant: parents de l'ex-mari de la
mère sans lien de sang avec l'enfant, une demi-sœur, des parents
nourriciers, la tante maternelle (CA de Nîmes, 2e ch. civ. C du 14.5.03, n°
02/1406).
En cas de déménagement il est
impératif d'informer l'autre parent dans le mois qui suit.
« Mon ex-épouse a déménagé en catimini avec
les enfants. Puis-je saisir de nouveau le juge pour redéfinir mes droits
? » Oui.
La loi impose que le changement de résidence
fasse « l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre
parent » (art. 3732 du code civil).
Exemple : dans l'affaire qui suit, un juge a estimé que le
déménagement lointain de la mère chez qui résidait l'enfant « privait le
père et la famille paternelle de relations régulières avec lui ». En
contrepartie, le juge accorda au père un plus large droit de visite et d'hébergement,
à savoir durant toutes les vacances scolaires, ainsi que durant un mois
l'été (CA de Dijon, ch. civ. A du 4.4.03, n ° 02101457). Il faut noter que
dans ces cas-là, le juge peut faire supporter les conséquences économiques
et le coût des trajets à celui qui s'est éloigné pour de mauvaises raisons.
Ne pas communiquer sa nouvelle adresse à son
ex-conjoint dans le mois de son déménagement constitue une infraction
pénale passible d'une peine maximale de 6 mois de prison et/ou 7 500
€ d'amende (art 227-6 du code pénal).
Exemple : une mère avait ainsi déménagé emmenant ses deux
enfants, d'un village dans l'Hérault à Montpellier. Elle avait réussi à
cacher sa nouvelle adresse au père pendant 8 mois. Les magistrats l'ont
condamnée à 5 000 F d'amende et 1000 F de dommages et intérêts à verser à
son ex-époux (CA de Montpellier, 3e ch. cor. du 25.10.00, n° 99/01623).
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